Fargo s01e01 « the crocodile dilemma »

(FX) 10 épisodes prévus –
Fargo (FX) épisode 1

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Je vous propose aujourd’hui un exercice que je n’ai encore jamais pratiqué dans cette colonne : le récapitulatif ou compte rendu si vous préférez. Véritable institution outre atlantique, il est moins pratiqué dans nos contrées mais certains s’y sont essayé avec talent comme Olivier Joyard au fil de la première saison de True Detective sur les Inrocks.

Comme je décris dans ce qui suit l’intégralité de l’épisode, je dois donc vous prévenir qu’il est hautement recommandé de l’avoir vu avant de lire la suite. Si ce n’était pas le cas, je vous recommande vivement ma présentation de la série qui sera parfaite pour vous l’introduire avant de la découvrir comme il se doit.

Tout commence par une petite route de campagne. Il fait nuit et l’on distingue grâce au phares d’une voiture approchante que les lieux sont recouverts de neige. Le décor est planté et l’instant d’après nous pouvons contempler en gros plan le conducteur du véhicule arborant une frange capillaire improbable (Billy Bob Thornton). Malgré cet accoutrement risible, le regard de ce personnage mystérieux — appelons Lorne pour l’instant — ne prête pas rire. Il fait même froid dans le dos son regard et tout cela se confirme alors que l’on s’aperçoit qu’il retient quelqu’un contre son grès dans son coffre.
Le personnage patibulaire, un prisonnier dans le coffre et une contrée enneigée. N’en jetez plus ! Nous voilà sûrement tout proche de Fargo, Minnesota. Mais ceux qui parmi vous ont vu le film des frères Coen avaient déjà retrouvé leurs marques dès le court texte introductif proclamant que tout ceci est une histoire vraie !
Mais la suite s’emballe déjà. Un cerf qu’il n’avait pas vu venir semble se jeter sur son capot et voici notre Lorne plantant sa voiture sur le bas côté à la suite d’un réflexe compréhensible. L’homme prisonnier dans le coffre parvient alors à s’échapper mais il n’ira sans doute pas loin dans son seul caleçon. C’est aussi ce que semble penser un Lorne visiblement amoché au front qui se soucie plutôt du cerf agonisant sur la neige.

Changement de lieu saugrenu pour le plan suivant avec le souffle rauque de l’animal qui laisse place à une machine à laver bruyante et secouée de soubresauts réguliers. Nous sommes donc le lendemain matin et le tintamarre de la bécane dans les profondeurs de sa cave parvient à troubler le petit déjeuner de Lester (Martin Freeman), installé à une table de cuisine. Il n’en faut pas plus à sa femme pour qu’elle se lance dans un dialogue en mode passif/agressif. Elle ne se prive pas ainsi de souligner combien Chaz, le frère de Lester, semble réussir en tout alors qu’elle doit se coltiner un perdant. Lester tente mollement de se défendre mais la réplique de Pearl — sa femme donc — est sèche :

“- Well, it’s just slow now at the shop.
– Oh, hon. That’s what ya always say… slow.”

C’est donc bien habillé pour l’hiver —remarquez qu’il vaut mieux dans le coin — par sa chère et tendre qu’il prend la route pour aller travailler. C’est alors l’occasion de constater, à la faveur d’un plan large d’ambiance sur la ville que nous nous trouvons à Bemidji grâce à l’inscription sur  un château d’eau pittoresque. Il s’agit toujours du Minnesota mais comme pour le film — où l’action se déroulait à BrainerdFargo reste une ville proche, décentrée de l’action et dont le rôle reste incertain.
On constate ensuite que Lester n’est pas beaucoup plus en réussite sur son lieu de travail qu’au sein de son ménage. Commercial chez un petit assureur local, il fait littéralement fuir un jeune couple qui était pourtant venu pour une extension de contrat.
Mais notre Lester continue dans la même veine du poissard en rencontrant par la suite Sam Hess accompagné de ses deux fils devant un magasin d’électroménager. Hess qui le ridiculisait régulièrement lorsqu’ils fréquentaient tout les deux le lycée retrouve vite ses habitudes en révélant presque innocemment qu’il avait eu un moment privilégié et intime avec Pearl à l’époque. S’en suit l’inévitable intimidation physique. il faut préciser que Sam est un beau bébé pesant, à vue de nez, le double de Lester la brindille. Et de nez et il question car pensant qu’il va être frappé, Lester surréagit et s’explose de lui même sur la vitrine derrière lui.

Suite logique, nous retrouvons Lester dans une salle d’attente à l’hôpital, incapable de boire une canette de soda tant son pif le fait souffrir. Il se dit sûrement que sa journée ne peut alors pas prendre pire tournure — « What a day ! » — mais il va faire une rencontre pour laquelle on devine qu’il aura beaucoup de regrets dans le futur. Mais ça, il ne s’en doute absolument pas en commençant à confier ses déboires à son voisin qui patiente en sa compagnie dans l’espoir de se voir rafistoler son front endommagé dans un accident de voiture. Oui, c’est à un Lorne soudain bien plus bavard que Lester avoue toute sa faiblesse. Sous l’insistance de l’inconnu, Lester finit par lui dire qu’il n’a qu’a aller le dessouder à sa place. L’oeil de Lorne se met à briller et notre bon vieux Lester, pourtant pas très perspicace, comprend que quelque chose vient de se mettre en route et commence à voir l’inconnu sous un autre jour. Lorne ne se démonte pas et relance en plaçant Lester devant un choix implacable : oui ou non ?! Lester ne dit pas oui mais il ne dit pas non alors qu’une infirmière l’emmène se faire soigner.

Pendant ce temps là, Vern, chef de la police de Bemidji est accueilli par Molly, son adjointe sur le lieu de l’accident de voiture de Lorne. Les deux représentants des forces de l’ordre découvre le cadavre du cerf dans le coffre de la voiture abandonnée, constate que le conducteur s’est abîmé sur le volant lors de sa sortie de route et découvre le cadavre du fuyard dévêtu de la veille un peu plus loin dans une forêt.
Vern semble être bon enquêteur, précis dans son boulot et comme il se révèle être une vraie crème de surcroît, autant le suivre chez lui auprès de sa femme enceinte jusqu’aux yeux pour constater qu’il mène une vie bien agréable seulement troublée par les hésitations de sa femme quand à la couleur de peinture à choisir pour les murs de la chambre du futur nourrisson.

Nous nous retrouvons ensuite dans les locaux de Hess et fils, société de transports. C’est un Lorne décidément bien malin qui déboule comme une fleur pour embrouiller les deux frangins, chose relativement aisée tant ces deux là font figure de Beavis & Butt-head incarnés. Le paternel se pointe alors entourés de deux personnes qu’on devine être des associés peu recommandables et Lorne se contente de le dévisager avant de s’éclipser.

En début de soirée, Lester et Pearl rendent visite à son frère évoqué plus haut, le fameux Chaz, Kitty, sa femme et leur fils Gordo — remarquez le caractère imagé des prénoms — et notre abimé du nez clame alors avoir glissé sur une plaque verglas près de la caserne des pompiers… sacré Lester.
Chaz lui propose d’aller à la cave chercher des bières et l’on commence à s’interroger sur l’importance de cette pièce au Minnesota ! Chaz confesse avoir des soupçons quand à un probable autisme de son fils et enchaîne sans transition en exhibant son dernier joujou, une mitrailleuse m249. En s’emparant du monstre, Lester le laisse échapper et c’est un Chaz un rien énervé qui ramasse l’engin éparpillé par terre. On apprendra par Pearl sur le chemin du retour en voiture que notre Lester a réagit — faut croire que ça lui arrive — en frappant son frère.

On quitte alors Bemidji pour une brève escapade à Reno, Nevada. Dans une société avec pignon sur rue qui a tout d’une couverture, un étrange personnage trône en arrière boutique devant une armée de téléphones. Une première conversation semble indiquer que nous somme en présence d’une organisation qui fournit des prestations peu légales consistant à faire disparaître des gens gênants. Le deuxième coup de fil émane de Lorne mais son mystérieux interlocuteur très branché téléphone le nomme Saint Paul. Comme je soupçonne fortement qu’il s’agisse d’un pseudo, nous continuerons à le dénommer Lorne !
L’inconnu s’enquiert de son précédent contrat. Lorne lui assure que c’est réglé. L’homme aux téléphones insiste alors pour que Lorne se rende rapidement à Duluth où l’attend sa prochaine affaire mais notre homme à frange souhaite d’abord régler une affaire personnelle.

Et en effet on le retrouve sur les traces de Sam Hess dans un bar à danseuses, le Lucky Penny, tout un programme. L’instant d’après, Sam est en train de se faire plaisir avec une fille à l’écart des regards indiscrets mais s’interrompt brutalement alors que Lorne lui a glissé un couteau dans la nuque.
Dans la scène suivante, nous sommes au même endroit mais cette fois-ci, c’est Molly et Vern qui découvre le crime. Un autre adjoint, Bill (Bob Odenkirk), visiblement incommodé par les situations trop sanglantes introduit ses deux collègues dans la pièce et l’on apprend par Molly qu’Hess fricotait également avec une organisation mafieuse à Fargo. Tiens revoilà Fargo et l’on fait automatiquement le lien avec l’entourage peu catholique du tout fraîchement regretté Hess un peu plus tôt.

La séquence suivante nous permet de mesurer combien Lorne est un roublard qui aime bien s’amuser ! Il se rend au Leroy Motor In, un motel dans lequel il surprend la patronne en train d’enguirlander un jeune employé. Après l’avoir titillée avec son sourire en coin, il retrouve le jeune sur le parking et lui suggère de pisser dans le réservoir de sa tortionnaire avant d’appeler cette dernière afin que le malotru soit prit sur le fait ! On entrevoit alors l’immense terrain de jeu que doit représenter cette contrée peuplée de naïfs qu’il peut faire tourner en bourrique à volonté.

Le lendemain, Vern retrouve Molly dans le diner de son père, Lou’s coffee shop. Il remarque que son adjointe a du potentiel car elle a d’emblée écarté la possibilité que le macchabée désapé et le conducteur de la voiture accidenté soit la même personne. Dans un éclair de prescience, Vern lui avoue qu’il préférait la voir à sa place plutôt que l’autre adjoint pas très futé — Bill, aperçu un peu plus tôt — bien qu’il ait plus d’ancienneté. Tout cela pourrait sembler un rien sentimental mais on verra un peu plus tard que ce passage de témoin aura son importance

On découvre ensuite Gina Hess (Kate Walsh) chez elle, tout juste veuve et qui semble plus préoccupée par la bonne tenue de son décolleté ! Elle est briefé par l’un des types peu recommandable que fréquentait son mari, avant la visite attendue de la police.
Mickey, l’un de ses deux fils, reçoit alors un coup de fil d’un Lorne se faisant passer pour un avocat et qui prétend que ce n’est pas lui mais son frère qui va hériter de la fortune paternelle.
Entre temps, Vern et Molly sont arrivé au domicile des Hess mais ils n’ont pas le temps d’en savoir plus sur les relations douteuses de Sam car ils sont interrompu par une bagarre entre les deux frères, à coup de crosse de hockey. Au passage, Molly nous gratifie d’un plaquage spectaculaire sur l’un des deux rejetons.

Alors qu’il se rend au travail, Lester aperçoit Lorne en ville. En arrivant à son poste, son chef lui apprend le décès de Sam et Lester fait tout de suite le lien avec leur conversation dans la salle d’attente de l’hôpital. Le bougre décide alors de retrouver Lorne pour tirer ça au clair. Ce dernier ne dément pas, bien au contraire, et lui explique alors sa façon de penser tout en philosophie primate avec ce calme si flippant qui le caractérise.
Un peu plus tard, Vern reçoit un appel de sa femme qui lui annonce avoir choisi le blanc pour la peinture de sa chambre avant d’être contacté par Molly. Décidément très en verve, elle a eu l’intuition d’interroger le personnel de l’hôpital concernant un éventuel accidenté et le nom de Lester surgit pour avoir discuté bruyamment en salle d’attente avec une personne correspondant au descriptif. Vern qui connaît Lester prévoit alors lui rendre une visite.

Pendant ce temps là notre Lester national tente de réparer la machine à laver dans sa cave. Lorque sa femme remet en route, la bécane rend l’âme et Pearl ne manque pas de le brocarder : “You’re not even half a man !” Pour un peu, on y verrait presque une référence au personnage de Bilbo joué par le même Freeman dans le Hobbit.
Mais Lester, sans doute très influencé par le discours de son nouveau copain Lorne, ne veut plus se laisser marcher sur le pieds. Il se saisit d’un marteau et menace Pearl, laquelle n’a rien vu venir, continuant de le ridiculiser. Alors Lester passe à l’action, et pas qu’à moitié ! Il refait le crâne de sa bien aimée avec l’outil en laissant échapper plusieurs “Aw, Jeez !” entre chaque estocade.
Pour un peu, on pourrait croire que notre Lester sait improviser comme il se doit. Il se débarrasse de ses affaires ensanglantées, appelle son new BFF Lorne au motel pour venir à la rescousse et prépare un fusil de chasse en prévoyant de l’accuser.
Sauf que c’est Vern qui déboule en premier ! Très vite soupçonneux lorsqu’il découvre combien Lester est instable, Vern aperçoit des traces de sang au sol et s’apprête à le menotter mais s’interrompt abattu dans le dos par Lorne. Le chef de la police a quand même eu le temps de prévenir Molly et Lester se retrouve pris au piège dans sa cave lorsqu’elle parvient sur les lieux. Lorne a disparu, il pensait pourtant encore pouvoir l’abattre afin de l’accuser ensuite mais Lester a un éclair de génie : il s’envoie violemment sur un mur pour faire croire qu’il est également victime.
C’est une Molly désemparée qui doit annoncer le décès de Vern à sa femme.

L’épisode touche alors à sa fin mais il reste deux scènes intéressantes à observer. On découvre l’officier de police Gus Grimly (Colin Hanks) en patrouille à Duluth qui surveille sa fille par radios interposées. Un véhicule bien pressé déboule devant lui et le policier entame aussitôt la poursuite. lorsque le chauffard s’arrête, on n’est qu’à moitié surpris de découvrir Lorne au volant. Celui que nous nous devons désormais de qualifier de tueur à gages fait encore preuve de ses talents de persuasion pour impressionner Gus. Malgré ses tentatives pour lui intimer de sortir de la voiture, Lorne repart au grand dam du policier médusé. Là encore, il ne fait aucun doute que Gus va regretter de ne pas avoir été plus ferme…

Le lendemain matin, Lester se réveille sur un lit d’hôpital et se souvient des événements de la veille. La scène finale se déroule en bordure d’un lac gelé. Molly qui accompagne son père à la pêche, rejette une tentative maladroite de ce dernier souhaitant la voir pratiquer un métier moins dangereux. Mais la résolution de notre Molly est exemplaire et elle décide, pour s’en convaincre un peu plus, de retourner au bureau directement !

L’univers des Coen et leur passion pour les personnages qui font les mauvais choix sont parfaitement retranscrits ici. Si les personnages ne sont pas les mêmes, les nombreuses similitudes de caractère bloquent un peu l’amateur du film prit entre deux chaises. Oui, c’est une adaptation mais non, ce n’est pas un remake. Tout porte à croire qu’il faudra donner du temps à la série pour s’exprimer pleinement.
On peut déjà affirmer que l’inévitable comparaison avec True Detective ne passionnera pas grand monde. Au delà du format de l’anthologie, les points de rencontres sont inexistants, notamment sur la forme. La réalisation de ce pilote signée de l’expérimenté Adam Bernstein (Oz, Breaking Bad) est très effacée. elle est surtout parfaitement linéaire et c’est un choix qui dénote sûrement, là encore, une volonté de coller au film original.

Toutefois, et je terminerai là dessus, on devine déjà la grande force de ce Fargo sériel : Le casting ! Thornton et Freeman sont déjà très costauds et tiennent à bout de bras un récit qui navigue entre comédie noire et drame absurde. Les seconds rôles ne demandent qu’à briller également. Heck, tout ça nous promet de belles choses !

Quelques observations supplémentaires :

  • C’est parti pour une saison de dix épisodes de Fargo ! J’espère être à la hauteur d’une récap’ aussi complète qu’intéressante à lire. J’espère surtout être efficace sur toute la durée de cette saison.
  • Et puisque je parle de saison, vous le savez peut être déjà mais l’ambition est, si reconduction il y a, de fonctionner sur le registre de l’anthologie. L’éventuelle saison 2 s’intéresserait à une autre histoire avec un autre casting.
  • La conséquence logique du point précédent est la suivante : cette saison aura une fin ! Et bien oui, il fallait souligner, hein !
  • Pour la petite histoire, le texte en ouverture du film — reprit ici au début de l’épisode — n’est pas tout à fait fondé. Le récit du film des Coen n’est pas basé sur une histoire authentique et unique mais plutôt inspirés d’un ensemble de faits divers distincts.
  • Les connaisseurs de la filmographie des frères Coen seront choyés, c’est évident ! J’en veux pour preuve, ce petit clin d’oeil qui rappelle The Big Lebowski lorsque Lester entre dans le restaurant pour y retrouver Lorne. Un panneau indique en effet une promo sur les White Russians, le cocktail préféré du Dude ! Si vous repérez d’autres allusions, n’hésitez pas en faire part en commentaires.
  • Le titre de l’épisode, le dilemme du crocodile,  fait référence à un classique de logique paradoxale. Voir la page Wikipédia associée.

Autres épisodes, autres récaps :
s01e02: The Rooster Prince
s01e03: A Muddy Road
s01e04: Eating the Blame
s01e05: The Six Ungraspables
s01e06: Buridan’s Ass
s01e07: Who shaves the Barber?
s01e08: The Heap
s01e09: A Fox, A Rabbit and a Cabbage
s01e10: Morton’s Fork

Visuels : Fargo / FX

13 commentaires sur « Fargo s01e01 « the crocodile dilemma » »

  1. Hello,
    je te remercie et félicite pour le travail effectué sur cette magnifique série.
    Bien que sériephile compulsif, je n’avais dépassé les 10 minutes du 1er épisode.
    Etant abonné à ton blog, et voyant régulièrement apparaitre les posts concernant cette série, je m’y suis replongé (après une overdose de The Walking Dead) avec un immense plaisir.
    Bye,
    Nicolas

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